En quatre ans de présidence de Bolsonaro, les droits des femmes et les politiques publiques qui leur sont dédiées ont subi de graves reculs. Les discours misogynes du président et de ses allié.es (autour de la place de la femme au travail, dans les espaces publiques, dans la famille ou dans le monde politique) alimentent une vision de la femme comme objet à dominer. Une comparaison des données entre 2018 et 2021 montre combien la situation des femmes est loin de s’être améliorée au cours de ce mandat. 
 
> Violence sexuelle : en 2021 une femme est victime d’un viol toutes les 10 minutes11. Ce sont 56 098 femmes, contre 53 726 femmes en 201812, soit une augmentation de 4,4 %. 
 
> Féminicides (l’assassinat d’une femme pour le fait d’être femme) : 1 319 féminicides étaient comptabilisés en 202113 soit une augmentation de 9,4 % par rapport au 1 206 femmes tuées en 201814. Il faut noter par ailleurs que les données de 2021 sont sans doute sous-estimées, en raison des difficultés d’accès aux canaux de dénonciation en temps de pandémie. 
 
La crise sanitaire a rendu le combat de la violence encore plus difficile, car les femmes ont cohabité plus de temps avec leurs agresseurs (qui, dans 7 cas sur 10, est connu de la victime), ont souffert d’un plus grand isolement et ont eu moins de possibilités d’accès à des réseaux de soutien15. 
                                        
Autre effet de la pandémie, la surcharge domestique et une précarisation des conditions de vie, qui vont souvent de pair avec la violence. Ainsi, 50,9 % des femmes (contre 37,2% des hommes) disent avoir connu des niveaux de stress à la maison plus élevés durant la pandémie16. Par ailleurs, 61,8 % des femmes qui ont souffert de violence en 2021 affirment que le revenu familial a diminué dans la même période17. 
                                        
Une perspective intersectionnelle est nécessaire pour aborder le combat contre la violence de genre. Or, de nombreux facteurs, comme le l’âge, la couleur de peau, l’orientation sexuelle et l’identité de genre ne sont pas assez pris en compte dans le combat contre la violence de genre. Les enfants, jeunes filles, femmes noires, femmes trans et travesties18 sont proportionnellement plus exposées à des situations de vulnérabilité et donc victimes de violences (inégalités socioéconomiques, intolérance religieuse, discriminations au travail ou dans les lieux publics, etc.)19. 
                                        
Malgré ces données alarmantes, le ministère de la Femme, de la Famille et des Droits humains n’a utilisé en 2021 que 51,6 % du budget alloué20. La faible exécution des politiques destinées aux femmes est une tendance observée tout au long du mandat de l’actuel gouvernement : en 2020 déjà, seul 30 % du budget dédié avait été utilisé. 
                                                
De plus, la majeure partie du budget est destinée à des actions dans le domaine de la sécurité publique ou de la justice, alors que la lutte contre la violence est un phénomène plus complexe qui nécessite un ensemble d’actions conjuguées à même de rompre le cycle de violence (des politiques d’accueil, d’appui psychologique, de prévention, etc.) 21. Enfin, les organisations de la société civile brésilienne pointent l’effet négatif des modifications de la législation sur le port des armes : plus de 30 décrets et actes normatifs présidentiels ont été publiés depuis janvier 2019, aggravant les possibilités de violence domestique. 
                                                
En dépit de tous ces reculs et oppressions, les femmes s’organisent et prennent la tête de réseaux de solidarité et de mouvements sociaux dans les périphéries urbaines, en milieu rural ou dans les communautés traditionnelles et autochtones. Elles se positionnent politiquement et parviennent à conquérir des espaces historiquement occupés par des hommes pour défendre leurs droits. Elles développent des stratégies de défense et de lutte contre toutes les formes de violence et réclament la pleine application de la loi Maria da Penha de 2006 contre les violences domestiques et familiales à l’égard des femmes. Certaines organisations choisissent également de travailler avec les hommes pour les aider à déconstruire le modèle de masculinité toxique dominant et trouver les voies d’une masculinité alternative. 

Exemple de résistance : “NE SONGE MÊME PAS À ME TUER !”


Face à l’augmentation des cas de féminicide au Brésil, une articulation composée de plus de 500 mouvements féministes et organisations de femmes a été créée au Brésil. Le front « Lève-toi féministe face au féminicide » a décidé de sensibiliser, mobiliser et dénoncer l’absence de mesures effectives de l‘État pour protéger la vie des femmes. Une campagne nationale intitulée « Ne songe même pas à me tuer. Qui tue une femme, tue l’humanité », ayant pour symboles la couleur jaune et le tournesol, a donc été lancée en mars 2021 pour dénoncer la culture de haine dont les femmes sont victimes. Elle réunit des femmes revendiquant des identités très diverses (noires, autochtones, traditionnelles, des périphéries, des campagnes et des villes, lesbiennes, bisexuelles ou trans, etc.). 

Cette campagne a permis de réaliser aux niveaux national, régional et local, des audiences publiques, des manifestations et actions dans l’espace public et sur les réseaux sociaux, des actions en justice, la présentation de projets de loi, ainsi qu’une analyse critique du Plan national de lutte contre le féminicide publié tardivement par le gouvernement en décembre 2021. À travers toutes ces actions, l’articulation féministe rend visible et urgent le combat contre les féminicides et la prise de responsabilités de l’État brésilien. 

 

 
Les chiffres :

– En 2021 une femme est victime d’un viol toutes les 10 minutes, en augmentation de 4,4 % depuis 2018

– En 2021, le nombre de
femmes tuées a augmenté de 9,4 % par rapport à 2018

– Le ministère de la Femme, de la Famille et des Droits humains n’a utilisé en 2021 que 51,6 % du budget alloué

1 femme sur 4 de plus de 16 ans a été victime d’un type de violence ou agression en 2021. 
 

Citation

« Ce n’est qu’avec un réseau fort, articulé et structuré que nous pourrons affronter réellement les situations de violence et réaliser un travail préventif. » 
                                        
Thaís Pereira Siqueira, psychologue coordinatrice de l‘initiative Loupe féministe contre le féminicide. 

 

Notes :

9. « Visible et invisible : la victimisation des femmes au Brésil », Forum Brésilien de Sécurité Publique 3e édition, 2021.

10. Ibid.

11. Violence contre les femmes en 2021, Forum Brésilien de Sécurité Publique, 8 mars 2022. 
                                                       
12. Annuaire Brésilien de Sécurité Publique 2019 (données de 2018), Forum Brésilien de Sécurité Publique.                                                  
                                                     
13. Violence contre les femmes en 2021, Forum Brésilien de Sécurité Publique, 8 mars 2022.                                                  
                                               
14. Annuaire Brésilien de Sécurité Publique 2019 (données de 2018), Forum Brésilien de Sécurité Publique.        

15. « La violence contre les femmes et filles est une pandémie invisible », ONU femmes, avril 2020. 
                                        
16. « Visible et invisible : la victimisation des femmes au Brésil », Forum Brésilien de Sécurité Publique 3e édition, 2021. 
                                        
17. Ibid.
 
18. Travestie est une identité féminine et revendiquée par les mouvements de défense des droits. 
                                        
19. « Visible et invisible : la victimisation des femmes au Brésil », Forum Brésilien de Sécurité Publique 3e édition, 2021.

20. En 2021, 71 millions de reais (environ 11 millions d’euros) ont été dépensés, soit 100 % du montant prévu par la loi budgétaire annuelle. Cependant, en regardant le détail, 49,4 % de ce qui a été dépensé provient de contrats signés des années antérieures et constitue donc un reste à payer. Le ministère n’a par conséquent dépensé en 2021 que 51,6 % du budget qui lui était alloué, négligeant notamment des initiatives comme la « Maison de la femme brésilienne », pour qui seulement 1 million de reais ont été dépensés (155 000 euros environ), sur les 21,8 millions autorisés. Source : « Note technique du budget des politiques publiques pour les femmes 2019-2021 », Carmela Zigoni, INESC, mars 2022. 
                                                
21. « La mauvaise exécution du budget menace les politiques de lutte contre la violence faite aux femmes en 2022 », novembre 2021, Gênero e Número.