Ces dernières années ont été marquées par des défis considérables dans le domaine de la migration au Brésil. Depuis leur arrivée au pouvoir, Bolsonaro et son gouvernement ont mis en place une série de mécanismes légaux pour rendre encore plus difficiles l’entrée et la régularisation des personnes migrantes dans le pays. 
                                        
En 2019, par exemple, avec la publication de deux ordonnances du ministère de la Justice, le gouvernement Bolsonaro a institué l’expulsion sommaire des personnes migrantes, reprenant l’idée de « personnes dangereuses » dans la politique migratoire du pays, au mépris de la Constitution fédérale et de la loi sur les migrations encore en vigueur. 
 
Un épisode représentatif de cette sélectivité du gouvernement a été l’invasion, le 18 mars 2021, par la Police fédérale, d’un centre d’accueil géré par la Pastorale des migrants à Pacaraima, une ville située à la frontière avec le Venezuela. Brandissant des armes lourdes et cagoulés, les policiers ont cherché à expulser 55 femmes et enfants accueilli.e.s par le refuge au motif qu’elles étaient entrées irrégulièrement dans le pays. 
                                        
En effet, l’arrivée de la Covid-19 a considé- rablement accentué le caractère raciste et xénophobe de la politique migratoire sous Bolsonaro et a mis en évidence des violations systématiques des droits fondamentaux. Pen- dant la pandémie, plus de 30 directives ont été publiées par le gouvernement fédéral pour res- treindre les possibilités d’entrée sur le territoire national. Certaines de ces mesures avaient un caractère discriminatoire en matière de natio- nalité et de mobilité humaine, rendant difficile l’entrée dans le pays des personnes en situation de vulnérabilité et empêchant la régularisation migratoire ultérieure, voire suspendant le droit de demande du statut de réfugié. 
                                        
Les cas d’expulsion ont augmenté en raison de cette restriction, bondissant de 36 personnes en 2019 à 2 901 en 202067, soit une augmentation de 5 708 %. En 2021, les chiffres sont encore alarmants car environ 1 285 reconduites aux frontières ont été enregistrées selon les données publiées par la Police fédérale. 
                                        
Comme si les reconduites massives et les obstacles normatifs à la régularisation migratoire ne suffisaient pas, les services fournis par la Police fédérale, responsable de la gestion des migrations et du traitement des permis de séjour, ont été suspendus ou ont fonctionné à un rythme réduit pendant la pandémie, ce qui a empêché les nouveaux arrivants de régulariser leur statut et ceux déjà régularisés de renouveler leurs papiers. 
                                        
L’absence de papiers, comme on peut le supposer, entraîne des difficultés pour accéder au marché du travail, aux services et à l’exercice des droits fondamentaux. Par conséquent, ce que l’on observe dans le pays depuis mars 2020, c’est l’utilisation de justifications sanitaires pour entraver systématiquement le droit de migrer et de résider dans le pays avec dignité. 
                                        
Outre la xénophobie institutionnelle, les migrants et les personnes en situation de réfugié doivent également faire face à des violations des droits perpétrées par la population brésilienne elle-même, soit par des pratiques discriminatoires, soit sous la forme d’agressions de plus en plus graves. Ces pratiques xénophobes viennent se conjuguer au racisme systémique au Brésil. Comme l’affirme le professeur Alceu Paulo Lunganga, les personnes migrantes noires sont particulièrement ciblées par ses violations des droits : 
                                        
« Partout au quotidien, il suffit de mettre les pieds dehors. Peu importe qu’il y ait actuellement des immigrants de diverses origines, le plus visé, c’est toujours l’Africain à la peau noire. Et celui qui appelle cela une victimisation, c’est juste parce qu’il n’en a pas fait l’expérience.68 »

 

Exemple de résistance : SOUTENIR LES MIGRANTS

Face à la montée de cette xénophobie à fort caractère raciste, plusieurs mouvements se sont mobilisés. La création, en février 2022, de l’Observatoire de la violence contre les migrants et les réfugiés est l’un des résultats des mobilisations de la société civile afin de suivre les dénonciations de crimes contre cette population et de soutenir le développement de politiques publiques liées à cette question. 
                                                
La Coalition noire pour les droits a dénoncé le Brésil à l’ONU, demandant des mesures contre le racisme et la xénophobie. La réaction de la population et de la police aurait été différente si Moïse était un immigré blanc, souligne la Coalition. 
                                                
En ce qui concerne les difficultés rencontrées dans le système de délivrance des papiers pour les immigrants par les services de la Police fédérale, des immigrants de différentes nationalités, avec le soutien de la société civile, ont organisé une manifestation devant le siège de la Police fédérale à São Paulo, le 25 juin 2021, pour exiger d’être reçus et accueillis dignement. 

 

Les chiffres :
 
Plus de 30 directives ont été publiées pour restreindre les entrées de personnes migrantes. 

 

– 1 285 personnes ont été expulsées du pays en 2021 
 
 

Citation

« L’assassinat de Moïse Kabagambe manifeste non seulement le racisme structurel de la société brésilienne, mais démontre clairement la xénophobie sous toutes ses formes, contre les étrangers. » 
                                        
Communiqué de la communauté congolaise du Rio de Janeiro 

 

Notes :

67. « Rapport mondial 2022 », Human Rights Watch [en ligne]. 
                                
68.« Angolano fala do preconceito vivido por imigrantes africanos », Visão do Corre, 24/02/2022.